La vie peut-être d’une cruauté infinie. Que ce soit dans les suites d’un accident de la circulation routière, d’un accident de la vie domestique (chute en hauteur par exemple), d’une erreur médicale ou autre, certaines victimes demeurent affectées de séquelles d’une extrême gravité, telles qu’une paraplégie ou une tétraplégie.
Il s’agit sans nul doute de l’un des pires drames que l’on puisse subir au cours d’une existence.
En quelques secondes, tout s’effondre et l’avenir ne semble plus qu’un long tunnel obscur. L’accompagnement des proches est incontestablement l’un des ressorts majeurs sur lesquels doit s’appuyer une reconstruction tant physique que morale et psychologique.
Le soutien de professionnels de la thérapie peut également s’avérer nécessaire.
La réparation financière des préjudices subis, lorsqu’elle est possible, présente évidemment une importance capitale pour permettre à la victime paraplégie ou tétraplégique de commencer à entrevoir une amélioration de sa situation matérielle, notamment par la compensation de la perte de revenus, l’assistance d’une terce personne, l’aménagement du logement, du véhicule, etc.
La réparation des préjudices corporels des victimes devenues paraplégiques ou tétraplégiques obéit pour l’essentiel aux règles générales de la réparation des préjudices corporels. Toutefois, au regard de la complexité et de l’importance extrême des préjudices subis comme des montants financiers en jeu, elle comporte aussi de nombreuses spécificités qui doivent d’être traitées avec la plus grande vigilance.
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable ne s’était pas produit. Cette règle, parce qu’elle a pour objet de restaurer la dignité humaine ainsi que sa réinsertion dans la société, a acquis dans les textes une dimension européenne (V. résolution n° 75-1 du comité des ministres du Conseil de l’Europe relative à la réparation des dommages en cas de lésions corporelles et de décès, adoptée le 14 mars 1975 et Conv. EDH, art. 6 et 41).
♦ La constitution du dossier d’indemnisation impose notamment de faire preuve du plus grand sérieux, en particulier pour démontrer le préjudice professionnel, le besoin au titre de la tierce personne et le moyen de répondre à ses besoins.
Les attestations des proches qui connaissent parfaitement le vécu de la victime sont indispensables, ainsi que des devis d’entreprises et/ou d’associations proches du domicile de la victime.
♦ L’intervention d’un médecin conseil spécialisé dans la réparation de préjudices corporels s’impose bien évidemment. Ceci est vrai que ce soit pour une évaluation réalisée dans le cadre des rapports avec une compagnie d’assurances ou dans un cadre judiciaire.
♦ L’assistance d’un ergothérapeute, pour évaluer les aides techniques indispensables et tous les besoins d’aménagement, qui peuvent présenter des coûts très importants, est également indispensable (par exemple, un fauteuil roulant électrique vertical à multiple positions peut présenter un coût supérieur à 35 000 €). L’aménagement du véhicule, si essentielle pour permettre à la victime para ou tétraplégique de continuer à se déplacer sans trop de difficultés, impose le recours à des entreprises spécialisées dans l’évaluation des travaux d’aménagement ou dans la création de véhicules neufs spécialement aménagés, notamment pour accueillir un fauteuil roulant.
♦ S’agissant des aides techniques, un tableau très précis devra être établi par le conseil de la victime paraplégique dans ses conclusions pour déterminer l’ensemble des aides nécessaires :
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- fauteuil roulant électrique multipostions,
- verticalisateur avec fonction lift et assise modulaire évolutive,
- fauteuil roulant manuel pliant avec roulette anti-bascule et assise modulaire et évolutive en cas d’hospitalisation,
- véhicule permettant d’embarquer le fauteuil roulant électrique avec l’option type permolock,
- lit médicalisé double avec matelas anti-escarre,
- lève personne avec sangle de transfert rapide et sangle de transfert filet pour la douche,
- rail au plafond afin de faciliter les transferts et de limiter l’encombrement d’un lève personne
- systèmes mains-sure
- fauteuil douche inclinable
- etc
Il faudra bien sûr indiquer le prix unitaire, la part remboursée, la durée de renouvellement et le coût total capitalisé.
♦ Dans ce type de situation, il est opportun que l’avocat effectue lui-même le déplacement au domicile de la victime tétraplégique ou paraplégique. Il pourra ainsi mieux appréhender l’ensemble des difficultés rencontrées par celle-ci pour les signaler dans les actes de procédure. L’avocat pourra également attirer oralement l’attention du tribunal sur le drame vécu et ses multiples incidences, à l’occasion des plaidoiries.
♦ Il est également indispensable que l’avocat connaisse l’échelle de déficience ASIA d’évaluation des niveaux moteur et sensitif de la paraplégie, qui permet de déterminer la gravité des séquelles. Cela permet à votre conseil de mieux mettre en lumière auprès du tribunal la nécessité de tel ou tel type d’aménagements et d’aides techniques.
♦ La consolidation est souvent longue, mais la procédure judiciaire doit être engagée au plus vite pour obtenir une provision (à défaut d’accord avec la compagnie d’assurances). Il faut ensuite, dès que la consolidation est acquise, demander l’indemnisation définitive.
♦ Dans le procès, les assureurs, conscients des enjeux financiers, multiplient les arguties pour tenter d’échapper à leurs obligations. Ils essaient d’invoquer la faute de la victime, des stipulations contractuelles souvent fort critiquables (exclusions ou plafonds de garantie, etc.) ou en tentent de minimiser à toute force les préjudices subis et surtout leur évaluation financière. Là aussi, une défense énergique s’impose, comprenant l’invocation des règles spécifiques du code des assurances pour contester le cas échéant l’applicabilité de telle ou telle clause restrictive : les clauses limitant le montant de l’indemnisation, par exemple, doivent figurer en caractères apparents et avoir été connues et acceptées par l’assuré pour lui être opposables. L’assureur qui n’attire pas l’attention de l’assuré sur la réduction des garanties pratiquée ne satisfait pas à son obligation d’information, qui ne se limite pas à la remise des conditions générales.
Le droit de la consommation est aussi un élément juridique à prendre en considération. Le moindre défaut de maîtrise dans l’établissement des documents contractuels par les compagnies d’assurance doit conduire à la mise en œuvre d’une garantie favorable à l’assuré.
Rappelons aussi que même en matière de conduite automobile, l’état d’imprégnation alcoolique n’exclut pas toujours l’indemnisation de la victime. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a sanctifié le principe fondamental selon lequel même en matière d’accidents de la circulation, le fait que la victime ait présenté un taux d’alcoolémie ne peut être de nature à limiter ou exclure son droit à réparation. C’est à l’assurance de démontrer que cette alcoolémie a joué un rôle causal dans la survenance de l’accident.
Les assureurs s’efforcent également d’obtenir les conditions d’indemnisation avantageuse… pour eux ! telles que le versement d’une rente plutôt que d’un capital, alors que le versement en capital constitue le principe et assure seul le principe de libre disposition des indemnités.
Il ne faut bien sûr pas oublier dans ce cadre d’insister sur l’exécution provisoire de la décision du tribunal. Elle est certes aujourd’hui de droit dans la plupart des situations, mais qui peut toujours être écartée par le tribunal si elle est considérée comme « incompatible avec la nature de l’affaire » et retarder ainsi de plusieurs années l’indemnisation définitive.
La survenance de handicaps tels que la paraplégie ou la tétraplégie constitue sans nul doute un drame personnel largement irréparable pour ceux qui en sont victimes.
Mais la perspective de bénéficier tous les jours et autant que de besoin de l’assistance d’une tierce personne attentive et bien formée, dans un cadre de vie renouvelé et parfaitement conforme à ses attentes, peut atténuer dans une certaine mesure cette immense souffrance.
Rien ne doit être négligé pour y parvenir.
Nous vous rappelons
