Autisme et discriminations : la CEDH rappelle le droit à l’instruction

Autisme et discriminations : la CEDH rappelle le droit à l’instruction

De nombreux parents d’enfants autistes souffrent d’une prise en charge insuffisante de leurs enfants par l’éducation nationale. De nombreux textes font pourtant obligation à celle-ci de leur offrir un enseignement adapté et la jurisprudence y veille désormais de manière rigoureuse.

Une prise en charge insuffisante d’un enfant autiste peut en outre, dans certaines conditions, être considérée comme une discrimination opérée entre les personnes physiques à raison de leur état de santé ou de leur handicap, en application de l’article 225-1 du code pénal français.

Article 225-1 du code pénal :« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison (…) de leur état de santé, de leur handicap (…) »

C’est une nouvelle piste que vient d’ouvrir encore plus clairement la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans un arrêt du 10 septembre 2020. La CEDH a condamné l’Italie pour n’avoir pas proposé à une jeune élève autiste un soutien scolaire spécialisé, pourtant prévue par la loi italienne.

La Cour s’est fondée sur les dispositions de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et sur l’article 2 du protocole numéro 1.

Article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme : Interdiction de discrimination

La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Article 2 du Protocole numéro 1 « Droit à l’instruction » :« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. L’État, dans l’exercice des fonctions qu’il assumera dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, respectera le droit des parents d’assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »

Par son arrêt du 10 septembre 2020,l a Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Italie pour ne pas avoir proposé à une jeune autiste, pendant ses premières années d’école primaire, un soutien scolaire spécialisé qui était pourtant prévu par la loi. Cette élève n’a pas pu « fréquenter l’école primaire dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficiaient les élèves non handicapés« , écrit la Cour dans son arrêt, estimant que « cette différence de traitement était due à son handicap« .

Les autorités italiennes, qui invoquaient un manque de ressources budgétaires, « n’ont pas cherché à déterminer (ses) véritables besoins et les solutions susceptibles d’y répondre« , a estimé la juridiction paneuropéenne. La CEDH ajoute que « les éventuelles restrictions budgétaires doivent impacter l’offre de formation de manière équivalente pour les élèves handicapés et pour les élèves non handicapés. »

 La requérante avait bénéficié lors de son entrée en maternelle d’un accompagnement de 24 heures par semaine, fourni par un enseignant de soutien, ainsi que d’une assistance spécialisée, conformément à une loi de 1992, a indiqué la Cour dans un communiqué. Mais cette aide fut supprimée lors de son entrée en école primaire, en 2010. Ses parents firent plusieurs demandes pour qu’elle soit rétablie, en vain, et durent finalement payer une assistance privée pour leur fille. Ils demandèrent ensuite à ce qu’elle soit indemnisée mais ils furent déboutés par les différentes juridictions italiennes, selon la CEDH.

« La discrimination subie par la jeune fille est d’autant plus grave qu’elle a eu lieu dans le cadre de l’enseignement primaire, qui apporte les bases de l’instruction et de l’intégration sociale et les premières expériences de vivre ensemble« , pointe encore la Cour, qui a conclu à l’unanimité à la violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination) combiné avec l’article 2 du Protocole n°1 (droit à l’instruction) de la Convention européenne des droits de l’homme.

Nul doute, au regard du droit français, que certaines pratiques d’établissements scolaires pourraient tomber sous ce type de sanctions. Les procédures habituelles devant la juridiction administrative pourraient, dans les cas les plus graves, se doubler de plaintes pénales à l’encontre des établissements scolaires. Reste à savoir si les parquets de France accepteront de poursuivre les établissements qui manqueront à leurs obligations. L’arrêt que vient de rendre la Cour européenne des droits de l’homme pourrait les y inciter. Certes, il s’agit d’un arrêt rendu contre l’Italie et les autorités françaises n’ont aucune obligation directe de s’en inspirer. Mais les défenseurs des personnes autistes ne manqueront pas d’appeler l’attention des juridictions françaises sur le risque d’une condamnation de la France, dans l’hypothèse où les pratiques discriminatoires continueraient de se développer.

 

 

 

 

Autisme et discriminations : la CEDH rappelle le droit à l’instruction

Scolarisation d’enfant autiste : l’Etat encore condamné

Par un jugement du 17 avril 2019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l’État à payer à la maman d’un jeune enfant atteint d’autisme la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts et à l’enfant 20 000 €.

La responsabilité de l’État en raison du défaut de prise en charge est réaffirmée de manière très claire.

Il résulte des dispositions des articles L 111-1 et suivants du code de l’éducation et 241-6 du code de l’action sociale et des familles que le droit à une prise en charge pluridisciplinaire est garanti à toute personne atteinte du handicap résultant du syndrome autistique, quelles que soient les différences de situation.

Le législateur a voulu que cette prise en charge, afin d’être adaptée aux besoins et difficultés spécifiques de la personne handicapée, puisse être mise en œuvre selon des modalités diversifiées, notamment par l’accueil dans un établissement spécialisé ou par l’intervention d’un service à domicile. La loi indique de plus que la prise en charge doit être effective dans la durée, pluridisciplinaire et adaptée à l’état et à l’âge de la personne atteinte de ce syndrome.

Il incombe à la CDPAH (Commission des Droits et de l’Autonomie des Personnes Handicapées), à la demande des parents, de se prononcer sur l’orientation des enfants atteints du syndrome autistique et de désigner les établissements ou les services correspondant aux besoins de ceux-ci étant en mesure de les accueillir.
Ces structures sont tenues de se conformer à la décision de la commission.
Lorsque l’enfant autiste ne peut être pris en charge par l’une des structures désignées par la CDAPH en raison d’un manque de places disponibles, l’absence de prise en charge pluridisciplinaire qui en résulte est, en principe, de nature à révéler une carence de l’État. Celui-ci doit mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que cet enfant bénéficie effectivement d’une prise en charge adaptée.

Il résulte de l’instruction que l’enfant a été accueilli au sein d’un établissement mais que celui-ci n’a pu, par manque de place, accueillir l’enfant sous le régime du semi-internat préconisé par la décision de la CDAPH et que la prise en charge a été nettement insuffisante au regard des troubles dont souffrait celui-ci.

Le Tribunal Administratif de Toulouse en a donc conclu que la responsabilité de l’État est engagée.

La CDAPH avait prononcé l’orientation de l’enfant vers tout établissement de type institut médico-éducatif sous le régime du semi-internat, de l’internat aménagé ou de l’internat.
En dépit des nombreuses démarches engagées par la requérante auprès des différents instituts, l’enfant n’a pu, faute de place, être pris en charge de manière effective et adaptée par ces instituts conformément à l’orientation de la décision.
Il n’était accueilli pendant une période de près de deux années qu’à raison de deux demi-journées par semaine.

Le Tribunal Administratif de Toulouse a en conséquence justement apprécié les préjudices causés à l’enfant en lui allouant la somme de 20 000 €.

La mère de l’enfant a été contrainte d’engager de multiples démarches pour obtenir la prise en charge de son fils et de s’occuper seule de celui-ci pendant une période de près de deux années.
D’autre part, il ressort des nombreux certificats médicaux produits que ce défaut de prise en charge a provoqué chez elle épuisement moral et psychique.

Le tribunal prend en compte son préjudice moral en lui allouant la somme de 15 000 €.

Une nouvelle fois, l’Etat et les structures éducatives sont rappelées à l’ordre en matière de prise en charge des enfants autistes.

 

Prise en charge d’enfant autiste : l’Etat condamné.

Prise en charge d’enfant autiste : l’Etat condamné.

Par un jugement du 20 mars 1019, le tribunal administratif de Toulouse a condamné l’Etat à payer 3 000 euros aux parents de leur enfant atteint d’un handicap de type autistique du fait des fautes commises par l’Education Nationale dans sa scolarisation.

Depuis des années, les parents de cet élève scolarisé à Toulouse, puis à Saint-Jory et Saint-Sauveur (31), se battaient pour tenter d’obtenir une scolarisation satisfaisante et conforme aux obligations légales de l’État.

Refusant quasi systématiquement de faire droit à leurs demandes, l’Education Nationale avait de surcroît cru devoir effectuer un signalement pour enfant en danger, qui a donné lieu la saisine d’un juge des enfants, lequel a rapidement constaté qu’il n’y avait pas lieu à assistance éducative !

Les requérants sont pleinement satisfaits du principe de la condamnation de l’État mais vont relever appel pour solliciter des dommages et intérêts à la mesure des préjudices subis.

Cette affaire témoigne une fois de plus de l’incapacité de l’Education Nationale à assurer correctement ses missions pour de nombreux enfants atteints de troubles autistiques.