Kiloutou Broussal et l’indemnisation des frais d’assistance de tierce personne

Kiloutou Broussal et l’indemnisation des frais d’assistance de tierce personne

Il ressort de la décision de la Cour d’Appel de Toulouse du 29 novembre 2018 que l’indemnisation des frais de tierce personne :

  • n’est pas subordonnée à la production de justificatifs
  • n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille.

Par un arrêt du 20 novembre 2018, la chambre correctionnelle de la Cour d’appel a déclaré la société KILOUTOU coupable de blessures involontaires par personne morale suivie d’une incapacité supérieure à trois mois (articles 222-21 et suivants du code pénal) et de location d’un équipement de travail ou moyen de production individuelle non conforme aux règles techniques ou de certification (article L 4741-9, L 4311-3 et suivants et R 4312-1 et suivants du code du travail). Il a confirmé la condamnation prononcée le 16 septembre 2014 par le tribunal correctionnel de Toulouse à la peine de 30 000 € d’amende.

M. Jacques Broussal avait loué un motoculteur à l’établissement KILOUTOU de Portet-sur-Garonne (31).

Le lendemain, alors qu’il travaillait avec cet engin, et qu’il effectuait une manoeuvre de recul, il n’avait pu stopper cette l’engin qui l’avait coincé contre un grillage et lui avait happé la jambe. Il dut par la suite être amputé de celle-ci.

Une plainte pénale avait rapidement été déposée et l’expert désigné par le procureur de la République avait clairement mis en exergue les graves défauts du produit loué par la société KILOUTOU.

En raison de son handicap, la cour a constaté que Monsieur Broussal avait besoin d’être assisté de manière définitive par une tierce personne et a retenu un coût horaire de 25 € au regard des besoins de la victime et de la gravité de son handicap.

Une partie de ces frais d’assistance ayant été assumés par la famille de la victime, la cour d’appel de Toulouse a rappelé un certain nombre de règles, dont celle-ci : « l’indemnisation des frais de tierce personne n’est pas subordonnée à la production de justificatifs et n’est pas réduite en cas d’assistance bénévole par un membre de la famille ».

Cette décision confirme la jurisprudence constante de la cour de cassation en la matière.

 

 

 

Kiloutou Broussal et l’indemnisation des frais d’assistance de tierce personne

Dommages corporels : le loueur est responsable du matériel

Préjudice corporel et responsabilité du loueur (Kiloutou), une application de la directive machines numéro 98/37/CEE

Affaire Broussal contre Kiloutou : Le loueur de matériel ne peut se retrancher derrière la responsabilité du fabricant et du distributeur ou derrière la faute de la victime lorsqu’il est établi que le matériel loué était affecté de dysfonctionnements graves ayant causé des dommages corporels, à la victime.

Par un arrêt du 20 novembre 2018, la chambre correctionnelle de la Cour d’appel a déclaré la société KILOUTOU coupable de blessures involontaires par personne morale suivie d’une incapacité supérieure à trois mois (articles 222-21 et suivants du code pénal) et de location d’un équipement de travail ou moyen de production individuelle non conforme aux règles techniques ou de certification (article L 4741-9, L 4311-3 et suivants et R 4312-1 et suivants du code du travail).

Il a confirmé la condamnation prononcée le 16 septembre 2014 par le tribunal correctionnel de Toulouse à la peine de 30 000 € d’amende.

M. Broussal avait eu la jambe happée par un motoculteur loué.

L’espèce était la suivante : Monsieur Jacques Broussal avait loué le 6 octobre 2010 un motoculteur auprès d’un établissement de la société KILOUTOU. Le lendemain, alors qu’il travaillait avec cet engin, et qu’il effectuait une manœuvre de recul, il s’était trouvé adossé à un grillage et avait voulu stopper la course du motoculteur, lequel ne s’était pas arrêté. L’hélice du motoculteur avait happé la jambe de Jacques Broussal, qui avait dû ultérieurement être amputé de celle-ci. Une plainte pénale avait rapidement été déposée et l’expert désigné par le procureur de la République avait clairement mis en exergue les graves défauts du produit loué par la société KILOUTOU.

Kiloutou tentait de renvoyer la responsabilité sur le distributeur, sur le fabricant ou sur la victime.

La société KILOUTOU invoquait notamment la responsabilité potentielle du fabricant et du distributeur de la machine et la nécessité d’obtenir d’eux des éléments explicatifs sur la conformité de celle-ci dans le cadre d’un supplément d’information. Elle expliquait qu’elle avait attrait le distributeur de la machine litigieuse, une société de droit allemand, devant le tribunal de commerce de Toulouse, faute de pouvoir juridiquement le faire devant la juridiction correctionnelle. Elle invoquait enfin la faute de la victime, tirée notamment de la non utilisation par celle-ci de troisième dispositif de sécurité.

L’ensemble des moyens invoqués par KILOUTOU est écarté par la cour d’appel de Toulouse au terme d’un arrêt particulièrement motivé. La cour d’appel retient :

«  (…)  selon l’article L 4311-1 du code du travail en sa rédaction applicable aux faits de la cause (version en vigueur du 1er mai 2008 au 24 mars 2012) les équipements de travail destinés à être exposés, mis en vente, vendus, importés, loués, mis à disposition ou cédés à quelque titre que ce soit sont conçus et construits de sorte que leur mise en place, leur utilisation, leur réglage, leur maintenance, dans des conditions conformes à leur destination, n’expose pas les personnels à un risque d’atteinte à leur santé ou leur sécurité.

Les moyens de protection, qui font l’objet des opérations mentionnées au premier alinéa, sont conçus et fabriqués de manière à protéger les personnes, dans des conditions d’utilisation et de maintenance conforme à leur destination, contre les risques pour lesquels ils sont prévus ;

L’article L 4311-3 du même code disposant qu’il « est interdit d’exposer, de mettre en vente, de vendre, d’importer, de louer, de mettre à disposition ou de céder à quelque titre que ce soit des équipements de travail et des moyens de protection qui ne répondent pas aux règles techniques du chapitre II et aux procédures de certification du chapitre III » (…)

KILOUTOU a commis des infractions objets de la prévention

En ayant loué un appareil sans avoir pris toutes les précautions pour s’assurer de la parfaite conformité – attestée auprès de ses clients par ses représentants habilités agissant pour son compte-, de cet appareil aux normes légales européennes en vigueur, la SAS KILOUTOU a commis des infractions objets de la prévention ;

en effet, s’agissant notamment des blessures involontaires, à défaut de faute de l’utilisateur auquel il ne peut être reproché de s’être trop approché d’arbres et d’une clôture rendant difficultueuse la progression de la machine qu’il conduisait, l’absence de fonctionnement des deux principaux systèmes de sécurité, l’un (vis de réglage du système « homme mort » trop longue) dû à un défaut de conception endossé par le loueur par la certification de conformité de l’appareil non conforme, l’autre (goupille de liaison de la manette de changement de vitesse) dû à un défaut de vérification lors de la remise de l’appareil, en dépit de la rédaction d’une fiche de contrôle établie par (le) « Directeur matériel », insuffisamment précise pour assurer la vérification des éléments primordiaux de sécurité, et en particulier la sûreté et la solidité de la goupille assurant le maintien de la liaison entre la manette de changement de vitesse et le levier interne de la boîte de vitesses, la responsabilité pénale de la SAS KILOUTOU est engagée (…)

c’est de façon inopérante que la SAS KILOUTOU plaide le doute fondé sur l’imprécision des circonstances de l’accident (…) ainsi que sur d’éventuelles manipulations sur le motoculteur lié à un démontage partiel (…)

Enfin c’est également de façon inopérante qu’à la barre la SAS KILOUTOU soulève la faute de Monsieur Broussal tirée de la non utilisation, par ce dernier, du troisième dispositif de sécurité (un bouton « stop » d’urgence arrêtant l’appareil), des lors que les deux principaux moyens de sécurité étaient défaillants et ont entraîné la chute de Monsieur Broussal qui n’a plus eu d’autre alternative que de faire basculer l’engin sur le flanc afin d’arrêter sa progression.

Confirmation de l’inspection du travail

Le rapport (…) commandé par l’inspection du travail (…) conclut ainsi que rappelé ci-dessus, à l’existence de défauts affectant le matériel, notamment des défauts de conception, particulièrement quant à la longueur de la vis de réglage de la poignée « homme mort », qui a d’ailleurs été réduite sur décision du fabricant après l’accident survenu à Monsieur Broussal.

Ainsi des conclusions concordantes des deux expertises il ressort que la survenance de l’accident du 7 octobre 2010 s’explique par le fait que les deux dispositifs censés garantir l’arrêt de la rotation de fraises étaient inopérants. (…) » 

Ainsi, le loueur de matériel ne peut se retrancher derrière la responsabilité du fabricant et du distributeur ou derrière la faute de la victime lorsqu’il est établi que le matériel loué était affecté de dysfonctionnements graves ayant causé des dommages corporels à la victime.

Cet arrêt constitue la confirmation d’une jurisprudence assez abondante. Il marque également une exigence particulière à l’égard d’une société aussi renommée que KILOUTOU.

Droit du dommage corporel… Où en est-on ?

Droit du dommage corporel… Où en est-on ?

Alors que la réparation du dommage corporel est une matière sensible pour les victimes, il existe en ce domaine à la fois :

  • un manque de transparence dans l’évaluation des préjudices et la fixation des indemnités réparatrices ;
  • une absence d’harmonisation dans les méthodes d’évaluation et de calcul, pratiquées par les différents intervenants (juridictions, assureurs, fonds d’indemnisation).

Les victimes ont le sentiment de se trouver face à des mécanismes complexes, obscurs, inégalitaires et injustes. Force est en effet de constater :

  • qu’il n’existe pas de définition du dommage corporel ;
  • que les différentes composantes du préjudice ont été dégagées par la pratique, sans qu’il y ait de définition légale et de liste stabilisée ;
  • que la distinction entre les préjudices économiques et les préjudices strictement personnels n’est pas clairement opérée ; or elle conditionne l’étendue du recours exercé par les Caisses de sécurité sociale et autres tiers payeurs pour se faire rembourser des frais qu’ils ont supportés ;
  • qu’il n’existe pas d’élément de référence unique à la disposition des professionnels pour procéder aux évaluations.

Pour plus de Détails, lire Les préconisations du rapport de Madame LAMBERT-FAIVRE sur « L’indemnisation du dommage corporel » en date du 22 Juillet 2003

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